Assurance et mobilité partagée : quels défis pour les assureurs ?

L'essor de la mobilité partagée a transformé nos modes de déplacement, offrant des alternatives flexibles et souvent plus économiques à la possession d'un véhicule personnel. Le nombre d'utilisateurs ne cesse d'augmenter, atteignant des dizaines de millions de personnes à travers le monde. Cependant, cette révolution soulève des questions complexes en matière d'assurance, mettant les assureurs face à des défis inédits. Selon un rapport de Statista, le marché mondial de la mobilité partagée devrait atteindre 300 milliards de dollars d'ici 2030.

Les modèles d'assurance traditionnels, conçus pour des véhicules individuels et des conducteurs attitrés, peinent à s'adapter à la nature fragmentée et évolutive de la mobilité partagée. La question centrale est donc : comment les compagnies d'assurance peuvent-elles relever les défis posés par cette nouvelle réalité et garantir une couverture adéquate pour les utilisateurs et les opérateurs de mobilité partagée ? Cette interrogation nous amène à explorer les mutations du paysage de la mobilité, les défis majeurs auxquels sont confrontés les acteurs de l'assurance et les perspectives d'avenir qui se dessinent.

Les mutations de la mobilité : un nouveau paysage à assurer

La mobilité partagée a profondément transformé le paysage des transports, créant un environnement complexe et fragmenté pour les assureurs. L'évolution rapide de l'offre, la diversification des usages et l'émergence de zones grises réglementaires posent des défis majeurs en matière de couverture et de gestion des risques. Pour comprendre ces défis, il est essentiel d'analyser en détail les différentes facettes de cette mutation.

Explosion de l'offre et fragmentation des risques

Le marché de la mobilité partagée a connu une véritable explosion au cours des dernières années, avec l'arrivée de nombreux acteurs et la diversification des services proposés. Des startups innovantes aux grands groupes automobiles, en passant par les opérateurs de transport public, une multitude d'entreprises se disputent le marché. Cette concurrence intense a entraîné une fragmentation de l'offre, avec une grande variété de modèles économiques, allant de l'abonnement à la location à la minute, en passant par les forfaits. Les assureurs doivent maintenant composer avec cette complexité. Selon une étude de l'INSEE, le nombre de véhicules en autopartage a augmenté de 40% en France entre 2020 et 2022.

La multiplication des types de véhicules utilisés dans la mobilité partagée, tels que les voitures, les scooters, les vélos et les trottinettes électriques, ajoute une couche supplémentaire de complexité. Chaque type de véhicule présente des risques spécifiques, liés à sa conception, à son utilisation et à l'environnement dans lequel il évolue. Par exemple, les trottinettes électriques sont particulièrement vulnérables au vandalisme et aux accidents liés à leur petite taille et à leur faible visibilité.

Ces évolutions ont entrainé la nécessité d'assurer différemment ces divers modes de transport, l'utilisation inappropriée en fait partie. Pour illustrer la fragmentation des risques, voici un tableau présentant une cartographie des risques liés à chaque type de mobilité partagée :

Type de mobilité partagée Niveau de risque Fréquence des sinistres Coût moyen des sinistres
Autopartage Moyen Faible à moyen Élevé
Covoiturage Faible Très faible Moyen à élevé
Trottinettes électriques Élevé Moyen à élevé Faible à moyen
Vélos en libre-service Moyen Moyen Faible
Scooters partagés Élevé Moyen à élevé Moyen

L'évolution des usages et des profils d'utilisateurs

Les usages et les profils des utilisateurs de la mobilité partagée sont très diversifiés, allant des jeunes urbains qui utilisent les trottinettes électriques pour leurs déplacements quotidiens aux seniors qui ont recours à l'autopartage pour des trajets occasionnels. Cette hétérogénéité rend difficile l'établissement de profils de risque standardisés. De plus, l'importance du "pay-per-use" et de la flexibilité a un impact sur la perception de la responsabilité et du risque.

En effet, les utilisateurs occasionnels peuvent être moins sensibilisés aux règles de sécurité et aux risques liés à l'utilisation des véhicules partagés. Face à cette diversité, il est crucial pour les assureurs d'adapter leur offre et de proposer des solutions personnalisées, tenant compte des besoins et des comportements spécifiques de chaque utilisateur.

Il faut adapter l'assurance avec les différents profils, voici quelques éléments :

  • Occasionnels : Tarification à l'utilisation, assurance temporaire.
  • Réguliers : Abonnement avec couverture étendue, bonus pour conduite responsable.
  • Jeunes : Programmes de sensibilisation à la sécurité routière, tarification adaptée.
  • Seniors : Offres spécifiques tenant compte de leur expérience de conduite, assistance renforcée.

Les zones grises réglementaires et juridiques

Le cadre réglementaire et juridique de la mobilité partagée est encore en construction dans de nombreux pays. Les réglementations locales et nationales concernant les engins légers, tels que les trottinettes électriques et les vélos en libre-service, sont souvent lacunaires et ambiguës. Cette incertitude juridique a un impact direct sur la couverture d'assurance, car il est parfois difficile de déterminer la responsabilité en cas d'accident. Par exemple, en France, la loi LOM (Loi d'Orientation des Mobilités) a apporté des clarifications concernant le statut des engins de déplacement personnel motorisés (EDPM), mais certaines zones grises persistent.

De plus, la question de la responsabilité des opérateurs de mobilité partagée est souvent complexe. Sont-ils responsables des dommages causés par leurs véhicules en cas de défaut de maintenance ou de mauvaise signalisation ? La réponse à cette question varie en fonction des juridictions et des contrats conclus entre les opérateurs et les utilisateurs. La complexité de ces situations nécessite une adaptation des contrats d'assurance et une clarification des responsabilités.

Les assureurs doivent donc se tenir informés des évolutions réglementaires et juridiques et adapter leur offre en conséquence. Une comparaison des réglementations en vigueur dans différents pays pourrait aider à identifier les meilleures pratiques en matière d'assurance de la mobilité partagée :

Pays Réglementation spécifique aux EDPM Responsabilité en cas d'accident Assurance obligatoire
France Oui (Loi LOM) Variable selon les circonstances Oui (Responsabilité Civile)
Allemagne Oui Variable selon les circonstances Oui (Responsabilité Civile)
Italie En cours d'évolution Variable selon les circonstances Non, mais recommandée
États-Unis Varie selon les États Variable selon les circonstances Variable selon les États

Les défis majeurs pour les assureurs

Face aux mutations du paysage de la mobilité, les assureurs sont confrontés à des défis majeurs qui nécessitent une adaptation de leurs modèles traditionnels. De la tarification à la gestion des sinistres, en passant par la prévention des risques et la digitalisation, de nombreux aspects de l'activité assurantielle doivent être repensés. Il est donc essentiel de considérer l'avenir et d'explorer des solutions innovantes.

L'adaptation des modèles de tarification

Les modèles de tarification traditionnels, basés sur des critères tels que l'âge, le sexe, l'historique de conduite et le lieu de résidence, sont de moins en moins pertinents dans le contexte de la mobilité partagée. En effet, ces critères ne tiennent pas compte de la nature occasionnelle et flexible de l'utilisation des véhicules partagés. Les assureurs doivent donc explorer de nouvelles approches, plus adaptées à la réalité de la mobilité partagée, comme la tarification dynamique et l'utilisation de données télématiques.

La tarification dynamique, basée sur le temps d'utilisation, le lieu, l'heure, le type de véhicule et les conditions météorologiques, est une alternative prometteuse. Cette approche permet d'adapter le prix de l'assurance en fonction du risque réel encouru par l'utilisateur. Par exemple, une utilisation d'une trottinette électrique en centre-ville pendant les heures de pointe sera plus onéreuse qu'une utilisation en zone rurale en dehors des heures d'affluence. L'entreprise d'assurance Zego, spécialisée dans la mobilité partagée, utilise ce type de tarification.

Une autre approche consiste à utiliser les données télématiques, issues des capteurs et des systèmes embarqués des véhicules, pour analyser le comportement de conduite en temps réel. Cette approche permet de détecter les comportements à risque, tels que les excès de vitesse, les freinages brusques et les virages serrés, et d'ajuster la tarification en conséquence. Il existe plusieurs façons de fixer le prix de l'assurance :

  • Tarification dynamique
  • Tarification basée sur les données télématiques

L'adoption de ces nouvelles méthodes permettrait d'améliorer la tarification assurance mobilité et de proposer des tarifs plus justes et adaptés aux besoins des utilisateurs.

La gestion du risque et la prévention

L'évaluation du risque dans le contexte de la mobilité partagée est un défi complexe, en raison de la diversité des utilisateurs, des véhicules et des environnements. Les assureurs doivent collecter et analyser une grande quantité de données pour identifier les facteurs de risque et adapter leur offre en conséquence. La collecte de données passe aussi par l'évaluation du niveau de risque, mais elle doit également inclure des informations sur la maintenance des véhicules et les conditions d'utilisation. Une bonne gestion du risque passe par la prévention.

La prévention des risques est également essentielle. Les assureurs peuvent mettre en place des programmes de formation pour sensibiliser les utilisateurs aux règles de sécurité et aux bonnes pratiques de conduite. Ils peuvent également inciter les opérateurs de mobilité partagée à assurer une maintenance préventive rigoureuse des véhicules, afin de réduire le risque de panne ou d'accident. De plus, l'utilisation de systèmes de bonus/malus basés sur la télématique peut encourager les utilisateurs à adopter une conduite responsable. Avoir les bons outils est indispensable, comme :

  • Formation des utilisateurs
  • Maintenance préventive des véhicules
  • Incitation à une conduite responsable via des systèmes de bonus/malus basés sur la télématique

En collaborant avec les opérateurs de mobilité, les assureurs peuvent ainsi mettre en place des programmes de sensibilisation à la sécurité routière ciblant les utilisateurs de trottinettes électriques et de scooters partagés, deux catégories particulièrement touchées par les accidents.

L'indemnisation des sinistres : un casse-tête complexe

L'indemnisation des sinistres impliquant des véhicules partagés est souvent un casse-tête complexe, en raison de la difficulté à identifier le responsable en cas d'accident. L'utilisateur, l'opérateur ou un tiers peuvent être impliqués, ce qui nécessite une enquête approfondie pour déterminer les responsabilités. De plus, l'évaluation des dommages et l'indemnisation des victimes peuvent être compliquées par le manque de transparence et de standardisation des processus.

La gestion des sinistres impliquant des véhicules partagés entraîne des coûts importants pour les assureurs, en raison de la complexité des enquêtes, de la nécessité de recourir à des experts et des frais de gestion administrative. Pour réduire ces coûts, il est essentiel de mettre en place des procédures claires et efficaces, facilitant la communication entre les différents acteurs et permettant une résolution rapide des litiges. La mise en place de plateformes digitales dédiées pourrait faciliter le processus.

Une plateforme unique de gestion des sinistres pour la mobilité urbaine, regroupant les assureurs, les opérateurs et les experts, pourrait faciliter la communication, centraliser les informations et accélérer le processus d'indemnisation. Cette plateforme pourrait également intégrer des outils d'intelligence artificielle pour automatiser certaines tâches, telles que l'analyse des données et la détection des fraudes. Un tel système permettrait une meilleure indemnisation mobilité urbaine et une réduction des coûts pour les assureurs.

La digitalisation et l'intégration : un impératif

La digitalisation des processus d'assurance, de la souscription à la déclaration de sinistre, en passant par l'indemnisation, est un impératif pour les assureurs qui souhaitent s'adapter à la mobilité partagée. Les utilisateurs de ces services sont habitués à la simplicité et à la rapidité des applications mobiles, et ils attendent la même expérience de la part de leur assureur. La souscription doit se faire en ligne, rapidement, et la déclaration de sinistre doit être simplifiée au maximum.

L'intégration des services d'assurance dans les applications de mobilité partagée offre également de nombreuses opportunités. Les utilisateurs pourraient souscrire une assurance directement depuis l'application, en quelques clics, et bénéficier d'une couverture adaptée à leurs besoins spécifiques. De plus, l'intégration de chatbots et d'assistants virtuels permettrait d'offrir un service client personnalisé et disponible 24h/24. La compagnie d'assurance AXA propose déjà ce type de service intégré dans certaines applications de mobilité.

L'intelligence artificielle et la blockchain peuvent également être utilisées pour améliorer l'efficacité et la transparence des processus d'assurance. Par exemple, l'IA peut être utilisée pour détecter les fraudes et automatiser l'évaluation des dommages, tandis que la blockchain peut garantir la sécurité et l'intégrité des données. Une assurance digitalisation réussie est donc un atout majeur.

Perspectives d'avenir et opportunités pour les assureurs

Le secteur de la mobilité partagée est en pleine expansion, offrant de nouvelles opportunités aux assureurs qui sauront s'adapter à cette évolution. L'essor de l'assurance embarquée, le développement de nouveaux produits d'assurance et la collaboration entre les différents acteurs du secteur sont autant de pistes à explorer pour un avenir assuré.

L'essor de l'assurance embarquée (embedded insurance)

L'assurance embarquée, ou embedded insurance, consiste à intégrer les services d'assurance directement dans les produits ou services proposés par d'autres entreprises. Dans le secteur de la mobilité partagée, cela signifie que les utilisateurs peuvent souscrire une assurance directement depuis l'application de l'opérateur, sans avoir à passer par un assureur traditionnel. Cette approche offre de nombreux avantages, tant pour les utilisateurs que pour les assureurs. La souscription devient beaucoup plus simple et rapide.

Pour les utilisateurs, l'assurance embarquée est synonyme de simplicité, de rapidité et de personnalisation. Ils peuvent souscrire une assurance en quelques clics, et bénéficier d'une couverture adaptée à leurs besoins spécifiques. Pour les assureurs, l'assurance embarquée permet d'atteindre un public plus large, de réduire les coûts d'acquisition de clients et de fidéliser les utilisateurs. Pour les opérateurs aussi c'est une solution gagnante, car elle leur permet de proposer un service complet et attractif.

Les assureurs peuvent collaborer avec les plateformes technologiques pour offrir des solutions d'assurance embarquée innovantes et personnalisées. Par exemple, ils peuvent utiliser les données collectées par les plateformes pour évaluer le risque et adapter la tarification en conséquence. Ils peuvent également proposer des services d'assistance et de prévention intégrés dans les applications de mobilité partagée, comme des conseils de sécurité ou des alertes en cas de conditions météorologiques défavorables. L'assurance trottinettes électriques pourrait par exemple être proposée directement dans l'application de location.

Le développement de nouveaux produits d'assurance

La mobilité partagée nécessite le développement de nouveaux produits d'assurance, adaptés aux spécificités de ce secteur. L'assurance à la journée ou à l'heure, l'assurance "tous risques" pour les engins légers et l'assurance responsabilité civile pour les covoitureurs sont autant d'exemples de produits qui pourraient répondre aux besoins des utilisateurs de la mobilité partagée. La personnalisation est indispensable, comme la location à la journée, mais elle doit également prendre en compte les spécificités de chaque type de véhicule et de chaque profil d'utilisateur.

L'assurance à la journée ou à l'heure permet aux utilisateurs de bénéficier d'une couverture uniquement lorsqu'ils utilisent un véhicule partagé. Cette approche est particulièrement adaptée aux utilisateurs occasionnels, qui n'ont pas besoin d'une assurance permanente. L'assurance "tous risques" pour les engins légers offre une protection contre les dommages causés au véhicule, ainsi que contre le vol et le vandalisme. Ces nouveaux produits d'assurance permettront de mieux couvrir les besoins spécifiques de la mobilité partagée.

L'assurance responsabilité civile pour les covoitureurs permet de couvrir les dommages causés à des tiers en cas d'accident. Cette assurance est particulièrement importante pour les covoitureurs qui transportent des passagers, car ils peuvent être tenus responsables des dommages causés à ces derniers. Il est donc essentiel de proposer des assurances adaptées à ce type de transport.

La collaboration et l'innovation : la clé du succès

Pour relever les défis de la mobilité partagée et saisir les opportunités qu'elle offre, les assureurs doivent collaborer étroitement avec les opérateurs de mobilité partagée, les pouvoirs publics et les acteurs technologiques. L'innovation et l'expérimentation de nouveaux modèles d'assurance sont également essentielles. Ensemble, ils peuvent créer un écosystème de mobilité partagée plus sûr, plus accessible et plus durable.

Les assureurs peuvent travailler avec les opérateurs de mobilité partagée pour développer des solutions d'assurance intégrées et personnalisées, comme l'assurance embarquée. Ils peuvent collaborer avec les pouvoirs publics pour définir un cadre réglementaire clair et adapté à la mobilité partagée, en tenant compte des spécificités de chaque type de véhicule et de chaque mode de transport. Ils peuvent également investir dans la recherche et le développement pour explorer de nouvelles technologies et de nouveaux modèles d'assurance, comme l'utilisation de l'intelligence artificielle et de la blockchain. La collaboration est la clé du succès.

La création d'un "laboratoire d'innovation" dédié à l'assurance de la mobilité partagée, regroupant les différents acteurs du secteur, pourrait favoriser la collaboration, l'expérimentation et le partage de connaissances. Ce laboratoire pourrait organiser des ateliers, des conférences et des hackathons pour stimuler l'innovation et identifier les meilleures pratiques. Ce laboratoire d'innovation permettrait de créer des solutions adaptées aux besoins de la mobilité partagée et de relever les défis de ce secteur en pleine expansion.

Un avenir assuré pour la mobilité partagée

La mobilité partagée représente un défi majeur pour les assureurs, les obligeant à repenser leurs modèles traditionnels et à innover pour s'adapter aux nouvelles réalités du marché. De l'adaptation des modèles de tarification à la gestion des risques, en passant par l'indemnisation des sinistres et la digitalisation des processus, de nombreux aspects de l'activité assurantielle doivent être repensés. Les assureurs ont donc un rôle essentiel à jouer dans le développement de la mobilité partagée.

L'assurance a un rôle crucial à jouer dans le développement durable et sécurisé de la mobilité partagée. En offrant une couverture adaptée aux besoins des utilisateurs et en encourageant une conduite responsable, les assureurs peuvent contribuer à rendre la mobilité partagée plus sûre, plus accessible et plus durable. Les assureurs qui sauront s'adapter aux nouvelles réalités du marché et saisir les opportunités qu'elle offre seront les mieux placés pour prospérer dans ce secteur en pleine expansion et assurer un avenir serein à la mobilité partagée. L'adaptation est donc le maître mot.